La réforme de la justice prud’homale

Le décret relatif à la justice prud’homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail du 20 mai 2016 a été publié au Journal Officiel du 25 mai 2016. Il met en œuvre la réforme du conseil des prud’hommes prévue par la loi du 6 août 2015, dite « loi Macron » et vise à réduire les délais de la procédure prud’homale, parfois extrêmement longs (plus de deux ans pour certains conseils de prud’hommes entre le jour de la saisine et le jour du jugement, et plus de trois ans en cas de départage) ; il contient également des dispositions, applicables au 1er août 2016, relatives aux procédures d’appel des décisions rendues par la juridiction prud’homale.

 

Jusque-là, le salarié (ou plus rarement l’employeur) qui souhaitait saisir le conseil des prud’hommes, devait tout d’abord passer devant le bureau de conciliation (sauf certains cas limitativement énumérés), formation restreinte composée d’un conseiller prud’homal salarié et d’un conseiller prud’homal employeur, qui renvoyait la plupart du temps, faute d’accord entre les parties, devant le bureau de jugement, composé de quatre conseillers prud’homaux (deux conseillers salariés et deux conseillers employeurs). Lorsque les quatre conseillers ne tombaient pas d’accord, l’affaire était mise en départage et une nouvelle audience était fixée. Un cinquième juge, professionnel cette fois, avait ainsi pour mission de trancher l’affaire dans laquelle aucune solution n’avait pu être dégagée.

 

En outre, l’appel formé contre les décisions rendues par le conseil des prud’hommes pouvait encore allonger considérablement les délais, parfois plus de deux ans, du fait notamment de l’encombrement des juridictions d’appel et des différents renvois ordonnés.

 

Le décret paru le 25 mai 2016 a donc pour but de réduire les délais de procédure en renforçant les missions du bureau de conciliation et d’orientation, en créant de nouvelles formations de jugement, et en modifiant la procédure d’appel.

 

En voici les principales dispositions :

1) A compter du 1er août 2016, la requête par laquelle le conseil de prud’hommes est saisi devra notamment être accompagnée de toutes les pièces que le demandeur souhaite invoquer à l’appui de ses prétentions. La requête devra également comprendre un exposé sommaire des motifs. Les pièces et moyens étant connus dès le stade du bureau de conciliation et d’orientation, une transaction pourrait donc plus facilement être trouvée. En tout état de cause, une telle réforme a pour but d’accélérer la mise en état des affaires, à tel point d’ailleurs qu’il est prévu à l’article 14 du décret  que « lorsque l’affaire est en état d’être immédiatement jugée et si l’organisation des audiences le permet, l’audience du bureau de jugement peut avoir lieu sur le champ ».

2) Le bureau de conciliation, devenu bureau de conciliation et d’orientation pourra homologuer des accords issus de règlements amiables des différends, et orienter les affaires devant la formation de jugement appropriée en cas d’échec de la conciliation. Il a également un rôle accru dans la mise en état du dossier grâce à la possibilité de sanctionner les défauts de diligence des parties afin d’accélérer le traitement des procédures.

3) Le bureau de jugement pourra être composé soit de quatre conseillers prud’homaux, soit d’une formation restreinte de deux conseillers qui devra statuer dans un délai de trois mois, soit enfin de la formation de départage, composée de quatre conseillers et d’un juge du tribunal de grande instance, qui pourra désormais être saisie directement à la demande des parties et non plus seulement lorsque les autres formations n’auront pas réussi à s’entendre.

4) A compter du 1er août 2016, les parties seront obligées de constituer un avocat inscrit dans le ressort de la cour d’appel lorsqu’elles ne sont pas représentées par un défenseur syndical ; application de délais stricts pour produire les conclusions, à peine d’irrecevabilité.

5) Désignation d’un Conseiller de la mise en état pour statuer sur les incidents de procédure.

 

Parallèlement à la publication de ce décret, un financement de deux millions d’euros est par ailleurs annoncé pour venir en aide à neuf conseils de prud’hommes en situation particulièrement difficiles (Bobigny, Créteil, Lyon, Marseille, Martigues, Meaux, Montmorency, Nanterre et Cayenne).

 

Reste à savoir comment les conseils de prud’hommes vont appliquer cette réforme, notamment si le recours à une formation restreinte du bureau de jugement sera fréquent afin d’alléger ces juridictions ; dans le cas contraire, ce décret pourrait n’avoir qu’un effet très limité sur la réduction des délais de procédure, rendant nécessaire une nouvelle réforme pour obtenir des délais enfin raisonnables.

 


LGAVOCATS